Depuis 2000 et la bulle Internet, plusieurs sociétés se sont lancées sur le marché du livre numérique en créant des appareils dédiés, les fameux e-books. La plupart de ces appareils ont échoué. Un des marronniers marketing de cette aventure technologique contratriée est le lancement lors des salons du livre successifs de nouveaux ebooks: Cybook, Cytale, E-reader de Sony (l’année dernière)… Jacques Attali, une de nos gloires nationales, aujourd’hui partie prenante dans l’aventure slate.fr, s’était associé au lancement d’un modèle de e-book. Là ausssi sans succès.

Les premiers lecteurs de livre numérique ont échoué pour au moins 2 raisons. La première est notre attachement irréductible au livre papier, support avec lequel une relation d’intimité peut se construire, et média qui offre des possibilité en termes de représentation sociale qu’un appareil numérique aussi pauvre fonctionnellement que les premiers e-book ne pouvaient pas égaler. La deuxième raison est  la multiplication des écrans concurrents (Lecteur MP3/vidéo, Lecteur DVD portable, Consoles de jeux portable), dont le téléphone portable, une sorte de doudou numérique qui nous accompagne partout, et qui, lui, est connoté affectivement.

Les smartphones, sous Symbian, Windows Mobile, Linux ou Apple, sont les lecteurs numériques d’aujourd’hui. Avec un marché réeel. L’iPhone compte par exemple 12 millions d’utilisateurs dans le monde. Bien, bien plus que le Kindle physique d’Amazon.

Amazon a lancé une première version de son Kindle en novembre 2007. Et il l’a récemment renouvelée. L’offre originale d’Amazon comprend pour sa partie matérielle un lecteur physique de la taille d’un livre de poche et, pour sa partie logicielle la possibilité de télécharger des livres dans l’immense catalogue de livres numérisés d’Amazon, ainsi que des abonnements à des journaux américains de premier plan (New York Times notamment). On peut aussi lire le premier chapitre de nouveaux livres!
En s’associant à l’iPhone, Amazon lance une version exclusivement logicielle de son offre.

Lire l’article du blog technologique Techcrunch

Amazon a choisi l’Apple et l’iPhone pour une raison bien précise. Apple est un des rares acteurs technologiques du marché des loisirs numériques à avoir trouvé une stratégie gagnante pour monétiser des contenus dématérialisés. En effet, Après avoir dynamité le marché de la musique en ligne en changeant les règles du jeu à son compte, Apple s’est attaqué au marché des smartphones (téléphones intelligents) avec un très grand succès, l’iPhone étant en passe de devenir un tube du niveau de l’iPod.
A chaque fois, Apple a construit son succès autour d’une offre close (pas de possibilité pour l’utilisateur de modifier les paramètres techniques) et de sa boutique en ligne, l’Apple Store, qui allie à la fois expérience utilisateur de pointe et obsession du tiroir-caisse. A titre d’exemple, lorsque vous tentez de vous abonner à une offre gratuite Apple (MobileMe au hasard), soyez sûr que la boutique vous a à l’oeil et que votre numéro de carte-bleu sera demandé pour pouvoir accéder à l’offre gratuite… Sur un autre plan, il est aujourd’hui impossibe pour un éditeur tiers d’application d’être présent sur l’iPhone sans être référencé sur la boutique Apple.

J’avais été surpris quand j’ai appris l’été dernier qu’Amazon s’était lancé dans le matériel High Tech (Hardware) en sortant des e-books sous sa marque. Jusque là, Amazon avait acquis sa légitimité sur une maîtrise inégalée du l’expérience utilisateur Internet et de la logistique e-commerce.
L’annonce de son partenariat avec Apple, un autre géant de l’expérience utilisateur Internet depuis l’invention de iTunes, confirme que la stratégie Kindle d’Amazon est aussi bien logicielle (ventes de licences, partenariat) que matérielle (vente d’appareils dédiés en propre). Cette stratégie a d’ailleurs de fortes chances de devenir plus logicielle que matérielle, vu le potentiel des partenariats commerciaux et la multiplication des canaux de distribution de la technologie Kindle, en regard de l’emmerdement que représente la fabrication et la gestion de stocks de matériels. Mais peut-être qu’en 2020 nous aurons tous des livres numériques et que le lecteur associé sera devenu une commodité, comme les lecteurs MP3 aujourd’hui… en 2020.

Avec ce partenariat, Amazon renforce sa position de société incontournable sur le marché du livre numérique. Il se donne encore plus les chances de devenir le standard logiciel sur ce secteur, au moins pour le canal mobile. Après l’iPhone, Amazon réussira-t-il  à convaincre Sony, qui vient de lancer son E-reader, de faire une place au logiciel Kindle sur sa console de jeu portable, PSP? 🙂 On peut en douter.

Le peu d’ouverture de la plateforme iPhone et le fonctionnement de ce téléphone comme une sorte de boîte noire qui se paramètre toute seule via le réseau mobile, avec impossibilité pour l’utilisateur de modifier la configuration, m’ont jusqu’ici détourné de l’acheter. Mais des applications comme Facebook ou Kindle pour iPhone sont en train de fluidifier mes objections…